Le divorce contentieux

Qu’est-ce qu’un divorce « contentieux » ?

On entend par divorce contentieux trois catégories de divorce :
  • Le divorce pour faute, par lequel un époux invoque à l’encontre de l’autre une violation grave et renouvelée des obligations et devoirs découlant du mariage ;
  • Le divorce accepté, par lequel les époux sont d’accord sur le principe du divorce, mais demandent au juge de trancher un ou plusieurs points de désaccord relatifs aux conséquences ;
  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui permet d’obtenir le divorce en cas de séparation prolongée depuis deux ans lors de l’assignation en divorce.

Dois-je craindre le divorce contentieux ?

Le divorce par consentement mutuel n’est pas adapté à toutes les situations. Ainsi, en présence d’un élément d’extranéité ou lorsque les époux ne sont pas d’accord soit sur le principe du divorce, soit sur l’une de ses modalités au moins et que les processus amiables ont échoué, il est le seul recours.

Par ailleurs, le divorce contentieux ménage une place aux solutions négociées, de sorte que s’engager dans cette voie ne veut pas forcément dire que vous vous apprêtez à livrer une bataille épique, longue et douloureuse.

Comment se déroule la procédure de divorce contentieux ?

La procédure se déroule en plusieurs phases :
  • La phase de la requête initiale aboutissant à l’ordonnance de non-conciliation
La procédure commence par l’introduction d’une requête initiale sans indiquer les motifs du divorce. Le demandeur peut solliciter du juge l’instauration de mesures provisoires.

La requête est évoquée lors d’une audience de conciliation lors de laquelle les époux sont entendus séparément par le juge, puis ensemble en présence de leurs avocats.

S’ils sont assistés chacun d’un avocat, ils peuvent à ce moment s’orienter vers un divorce accepté en signant un procès-verbal d’acceptation du principe de la rupture. Ce faisant, ils se ferment notamment la voie du divorce pour faute, car ils renoncent irrévocablement à invoquer les torts à l’origine de la rupture.

Si les époux ne se réconcilient pas à l’audience, le juge rend une ordonnance de non-conciliation (ONC) dans laquelle il statue relativement aux mesures provisoires.

C’est au moment de cette ordonnance de non-conciliation que la communauté est dissoute (sauf exception) et que la séparation de fait est constatée judiciairement.

Appel peut être formé contre l’ordonnance de non-conciliation dans un délai de 15 jours à compter de la notification qui en est faite à la partie.
  • La phase de l’assignation en divorce et de l’instance en divorce aboutissant au jugement de divorce
L’ordonnance de non-conciliation autorise les époux à introduire l’instance en divorce par une assignation en divorce.

Dans les trois mois qui suivent le prononcé de l’ordonnance, seul l’époux qui a présenté la requête peut assigner.

À l’issue de ces trois mois, les deux époux peuvent assigner et ils disposent d’un délai de 30 mois à compter de l’ordonnance de non-conciliation. À l’expiration de ce délai, les mesures provisoires sont caduques et l’assignation en divorce n’est plus recevable.

L’assignation en divorce fait mention du fondement de la demande (divorce accepté, divorce pour faute ou divorce pour altération définitive du lien conjugal).

En cas de divorce pour faute, il convient de justifier des griefs allégués. En cas de séparation prolongée, il convient de justifier de celle-ci.

Elle comporte également une proposition de règlement des intérêts pécuniaires des époux ainsi que les demandes relatives aux enfants.

Dans les cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal, le défendeur pourra former une demande de dommages-intérêts s’il justifie de conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage.

Dans le cas de divorce pour faute, le demandeur qui obtient le prononcé du divorce aux torts de son conjoint pourra suivant les cas, et sans se tromper de fondement juridique, solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la faute, et, si le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint, des dommages-intérêts complémentaires s’il justifie de conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage.
  • La phase éventuelle en partage judiciaire des biens
Traditionnellement, le partage fait l’objet d’une autre phase procédurale. Au moment du jugement de divorce, le juge ordonne la liquidation et le partage du régime matrimonial, et les époux peuvent procéder au partage amiable ou intenter une procédure de partage judiciaire s’ils ont entrepris des démarches amiables qui n’ont pas abouti.

Désormais, le partage anticipé est favorisé pendant le cours de l’instance en divorce et il existe différents moyens de procéder au partage amiable ou judiciaire dans le même temps que le prononcé du divorce.

Quelles sont les mesures provisoires pouvant être ordonnées par le juge de la conciliation ?

Aux termes de l’article 255 du Code civil :

Le juge peut notamment :
  • 1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;
  • 2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation ;
  • 3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;
  • 4° Attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation ;
  • 5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;
  • 6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;
  • 7° Accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;
  • 8° Statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;
  • 9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;
  • 10° Désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.
Le défendeur pourra soit acquiescer aux mesures soit s’y opposer en justifiant sa position s’il en va de son intérêt.

Ces mesures provisoires ont vocation à se maintenir, si la procédure suit son cours, jusqu’au prononcé du jugement de divorce définitif.

Elles peuvent être modifiées à tout moment en cas de survenance de fait nouveau.
 

Mesures destinées à favoriser une issue amiable


Le juge peut en effet mettre en place une mesure de médiation familiale avec l’accord des époux (ou les enjoindre d’assister à une séance d’information). En outre, les mesures prévues aux 9° et 10° sont également destinées à favoriser un rapprochement.

La désignation d’un professionnel qualifié correspond à une mesure d’expertise patrimoniale. Le professionnel qualifié est un tiers titulaire d’une qualification spécifique attestant d’une formation de haut niveau qui reçoit pour mission de faire un inventaire du patrimoine des époux et de faire des propositions quant à la liquidation du régime matrimonial et l’existence et l’évaluation de la prestation compensatoire. À cette fin, il bénéficie de pouvoirs d’investigation. Il peut interroger le fichier des comptes bancaires (FICOBA) ou solliciter de tiers des renseignements destinés à avoir une vue globale des éléments. Il s’agit d’une mesure visant à contraindre un époux cachottier à la transparence, en même temps qu’elle permet aux époux de débattre devant un expert de points techniques. L’avis du professionnel qualifié pourra constituer une référence sérieuse de négociation.

La désignation d’un notaire au titre du 10° obéit à une logique différente. En effet, le notaire a une mission plus restreinte : il se limite à élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager, ce qui signifie qu’il n’intervient pas pour faire des propositions relatives à la prestation compensatoire.

Cependant, le projet qu’il dresse relativement à la liquidation du régime matrimonial a un certain impact puisque, si les époux en sont d’accord, ce projet pourra faire directement l’objet d’une homologation par le juge au stade du prononcé du divorce, court-circuitant ainsi la troisième phase du partage et rendant la procédure plus rapide.
 

Devoir de secours


Au moment où la séparation de fait est judiciairement constatée, il n’y a plus d’obligation de contribuer aux charges du mariage. Cette obligation se mue en un devoir de secours au profit du conjoint qui fait la preuve d’un état de besoin.

L’exécution de ce devoir de secours peut prendre la forme du versement d’une pension alimentaire pendant le cours de l’instance en divorce et jusqu’au prononcé du jugement définitif de divorce et/ou d’une attribution gratuite de la jouissance du domicile conjugal (parfois pendant une durée limitée, selon la pratique judiciaire).

L’attribution gratuite du domicile conjugal exonère le conjoint qui en a conservé la jouissance du règlement d’une indemnité d’occupation, mais ce dernier doit s’acquitter des charges de jouissance et fiscalement. L’attribution gratuite constitue un avantage en nature assimilé à une pension alimentaire.
 

Règlement provisoire des dettes


Le juge peut désigner celui des époux qui aura charge de rembourser seul certaines dettes.

Néanmoins, ces dispositions ne valent que dans les rapports entre époux et à titre provisoire. Le créancier n’est pas tenu de renoncer à poursuivre l’autre époux si la dette avait été souscrite solidairement. En outre, si la dette est commune à titre définitif, il y aura lieu d’établir un compte pour remplir de ses droits l’époux qui aura contribué au paiement au-delà de sa part.
 

Sort du domicile conjugal


Le domicile conjugal est protégé par l’article 215 du Code civil qui prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».

En cas de location, les époux ont de plein droit la cotitularité du bail et ils sont solidaires pour les dettes locatives vis-à-vis du bailleur même si l’un d’entre eux seulement continue à payer le loyer au titre des mesures provisoires.

Lorsque les époux ou l’un d’entre eux est propriétaire du logement, le juge peut décider d’en attribuer la jouissance à l’un d’eux à titre onéreux ou à titre gratuit.

Lorsque l’attribution a lieu à titre onéreux, le juge peut constater l’accord des époux sur un montant d’indemnité d’occupation, et en cas de désaccord, ce montant sera fixé ultérieurement dans le cadre des opérations de liquidation.
 

Est-il possible de tomber d’accord au cours de l’instance en divorce ?


L’accord est toujours favorisé, même si la voie choisie est celle du divorce contentieux.

Il est possible à tout moment, dès lors que les conditions sont réunies et que l’accord porte sur l’ensemble des conséquences du divorce, d’abandonner la procédure contentieuse pour la procédure conventionnelle sans juge.

En outre, il est possible de faire entériner l’accord total ou partiel par le juge, soit par la voie d’un jugement d’expédient (prononcé comme si le juge décidait lui-même, mais en l’état de conclusions concordantes des parties) soit par la voie de l’homologation de conventions portant sur tout ou partie des conséquences du divorce (C. civ., art. 268).
 

Peut-on procéder au partage du régime matrimonial au moment du divorce ?


Traditionnellement, le partage fait l’objet d’une autre phase procédurale. Au moment du jugement de divorce, le juge ordonne la liquidation et le partage du régime matrimonial, et les époux peuvent procéder amiablement ou intenter une procédure de partage judiciaire (LIEN vers partage judiciaire succession).
Désormais, le partage anticipé est favorisé pendant le cours de l’instance en divorce et il existe différents moyens de procéder.

Désormais, le partage anticipé est favorisé pendant le cours de l’instance en divorce et il existe différents moyens de procéder.